"Obligés" de prendre notre temps pour permettre à notre colis d'arriver avant nous au Tadjikistan, on profite tranquillement de la route entre sieste, jeux et rencontres toujours marquantes.


Bien reposés après 5 jours à Samarcande, on reprend la route vers la frontière Tajik. La frontière la plus proche est à quelques kms de Samarcande mais fermées aux touristes, on est obligés de faire un grand tour par le sud pour la rejoindre. Mais c’est pas plus mal, on est content de passer un peu de temps hors des sentiers touristiques dans ce pays qui nous enchante. Et comme on doit attendre la livraison de nos colis au Tadjikistan, on a une dizaine de jours pour atteindre la frontière ce qui est plus que suffisant et nous permettra de bien traîner en route.


On plante la tente au col : Après le bivouac troupeau de vache, le bivouac troupeau de mouton: le bivouac troupeau (?) de chevaux!


La route commence par la montée d’un gros col à près de 1800m, ça fait bien longtemps qu’on n’a pas fait de montées et ça fait mal ! Mais c’est un vrai plaisir de retrouver un peu de relief et de superbes paysages. Et on est bien récompensé à l’arrivée par un bivouac magnifique en haut du col et la surprise d’une trentaine de chevaux qui passeront au coucher du soleil devant notre bivouac afin de rejoindre leur enclos. Le lendemain, une longue descente nous emmène à Shahrisabz, la ville de naissance de Tamerlan et qui est aussi parsemée de grands monuments historiques. Mais en arrivant, on se rend compte, à notre grand horreur et désespoir que toute la vieille ville entourant le palais de Ak-Saray a complétement été rasée pour laisser place à un grand parc aseptisé. C’est franchement triste, impossible pour Cécile de reconnaître la ville où elle est passé quelques années auparavant et de retrouver les jolies mosquées cachées au détour de petites ruelles de terre battue. Aujourd’hui tous les bâtiments ont été entièrement reconstruits et sont dispatchés dans le parc (et la ça fait franchement trop Walt Disney). On repartira tout de même avec une bonne image de la ville grâce aux 4h passés dans un petit restaurant à la sortie de la ville à discuter avec les ouzbeks, se régaler de kilos de plov et jouer aux cartes. Pour ensuite rouler une quinzaine de kilomètres avant de tomber sur un petit lac. On aura roulé à peine une heure mais tant pis, on n’a pas le choix, on est obligé de s’arrêter pour se baigner ! On finira même par camper près du lac, accueilli par Enamjo et sa famille. On passera une super soirée à faire de la musique et chanter avec les enfants.


La team d'enfants déchainés avec qui on a passé une soirée à échanger des chansons françaises contre des chansons ouzbeks.


La suite de la route est l’occasion de s’enfoncer toujours un peu plus dans la campagne ouzbek où s’alternent zones rurales et zones désertiques. La route que l’on emprunte est aussi l’accès le plus logique au Tadjikistan pour les voyageurs qui souhaitent se lancer à l’assaut du Pamir. On sent de fait que les gens ont bien plus l’habitude de voir passer des cyclistes. Ainsi aux éternels « At kuda » (d’où viens-tu en russe) s’ajoutent des questions sur la durée de notre voyage, depuis combien de temps on est parti, combien de kilomètres, quels pays traversés et à traverser…En tout cas on est toujours immensément touchés de l’accueil et des encouragements reçus partout. Les ouzbeks nous enchantent par leur joie de vivre, on sent un peuple de bons vivants qui aiment bien rigoler ! On passera notamment un super déjeuner à rigoler au sein d’une famille ouzbek, qui nous poussera notamment à boire de la vodka malgré nos protestations ! Afin de nous convaincre, ils se servent et nous servent d’office des shots afin que l’on puisse trinquer tous ensemble et ça c’est impossible de refuser ! On finira le repas par une prière (on ne comprend pas trop les coutumes ouzbeks en temps de ramadan : repas, vodka et prière !) avant de tous partir faire la sieste syndicale. Pour revenir sur la prière en fin de repas, l’Ouzbékistan est en effet un pays musulman mais les gens ne semblent pas tellement pratiquants. Durant le séjour on ne croisera qu’une personne respectant le jeun du ramadan.


Sieste à l'ombre d'une petite mosquée de village.


L’Ouzbékistan a cette contrainte un peu chiante pour les touristes de s’enregistrer dans des hôtels une fois tous les trois jours. A Ghuzar, où nous avions prévu de dormir en hôtel, le gardien nous fait comprendre qu’il faut aller nous enregistrer au poste de police. Mais les négociations au poste de police sont bien fastidieuses et ils ne veulent pas nous laisser dormir dans l’hôtel de Ghuzar qui n’est pas pour les touristes…tu parles…du coup on a été demander l’hospitalité dans une ferme à la sortie de Ghuzar et c’est Sardor, 12 ans qui nous autorise à planter la tente à côté de ses vaches. Les enfants et femmes semblent faire une grosse part de boulot ici et on est d’ailleurs vraiment surpris de la maturité des enfants qui gèrent souvent seuls les troupeaux, chevauchent avec assurance leurs ânes ou assurent le service et dans les restaurants jonchant la route (d’après ce qu’on a compris c’est les vacances scolaires ici).

Le lendemain on roule jusque Korashina où l’on décide de s’arrêter dans un hôtel afin d’être en règle avec les enregistrements. Cette fois il y a bien un hôtel à « touriste » capable de faire la « registration ». Le problème : 40$ la nuit, pour un confort loin d’être à la hauteur du prix. C’est tellement frustrant de voir afficher des prix ouzbeks à 35000 som (moins de 5$ !!) quand on doit payer 4 fois plus…mais pas le choix, on préfère la jouer "sécure" et on paye notre enregistrement. La chaleur du pays nous fait quand même bien souffrir et au moins on pourra profiter d’une douche et d’un endroit ou se protéger de la canicule !


Shabnham et Javelon son intenable mais adorable fils!


Le lendemain on passe en Surhandarya, la région Ouzbek proche de la frontière tadjik et constellée de montagnes arides. On se fait accueillir chez Shabnam et son fils de trois ans Javelon. Elle vie avec ses belles sœurs et leurs bambins pendant que leur maris gagnent leur croute en Russie. Shabnam a été à l’Université et parle anglais. Elle est enceinte et s’occuper de Javelon l’empêche d’exercer son boulot de prof d’anglais. Elle a l’air cependant heureuse, de vivre avec sa petite famille en relative autonomie grâce à leur potager, leur vache et leurs poules qui leurs fournissent une bonne partie de leur nourriture pour vivre comme c’est le cas pour la plupart des ouzbeks qui vivent à la campagne. C’est la saison des abricots et les femmes passent leurs journées à ramasser les fruits pour les faire sécher et les vendre cet hiver. Shabnam est vraiment une hôte adorable et on profitera d’un bon diner et petit déjeuner malheureusement pas en leur compagnie. Nos insistances pour l’aider aux préparatifs semblent la vexer et elle insiste pour que l’on dine sur l’«estrade-lit-table » à l’ombre de l’abricotier tandis qu’elle dine en compagnie de ses belles sœurs et des enfants devant la maison. On dormira pour la première fois à la belle étoile sur cette estrade qu’affectionnent tant les ouzbeks pour faire la sieste et manger.


Sur la route de Baysun.


On traversera ensuite un paysage incroyable de montagne jaunes virant vers l’oranger. Chaque virage offre une nouvelle perspective et nous ne nous lassons pas de ces reliefs auxquels succèdent des champs de blé à perte de vue avec parfois une oasis de vergers verts ce qui est assez surprenant tant l’eau semble peu présente ici. Après une pause baignade au bord de la route (marquée par la perte des lunettes de soleil d’Edouard heureusement retrouvée miraculeusement dans l’eau boueuse par un jeune ouzbek), on s’arrête dans un petit restaurant pour s’abriter d’une véritable tempête de sable. Heureusement ça ne dure pas très longtemps et on finit par repartir pour se rendre compte après 15 km de montée-descente sur des routes pas toujours bonnes que cette fois-ci c’est Cécile qui a oublié ses lunettes de soleil dans le restaurant ! Avec la luminosité, c’est carrément impossible de rouler la journée sans lunettes et même si elles sont déjà bien cassées on décide de retourner les chercher. Pendant qu’Edouard garde les vélos ; Cécile repart en compagnie de Youssouf et Hassan chercher ses lunettes. Adorables, ils feront même demi-tour pour la ramener et nous offrirons…une pastèque ! Heureusement, il est l’heure de chercher un bivouac et on ne la transportera pas trop longtemps !


Hassan et Youssouf nos sauveurs de lunettes!


Après une bonne nuit en compagnie de deux cyclos rencontrés la veille et un délicieux repas offert par le restaurant à côté du bivouac on reprend la route vers Denov. L’occasion de retrouver les paysages habituels de champs de coton entourant la route un peu défoncée sur laquelle des voitures nous doublent sans cesse en appuyant plus ou moins longtemps sur leur klaxon.


On quittera le pays le lendemain, après un passage de frontière Ouzbek plutôt facile. L'un des douaniers, super sympa indique à Cécile qu'il ne faut pas qu'elle déclare ses espèces Tadjik changées avant la frontière sous peine de confiscation et l'autre douanier commence à se lancer dans une fouille de nos photos mais il désespère vite face à la quantité de clichés dans notre ordinateur. On reste cependant très frustré, ils ont à peine jeté un coup d’œil à nos tickets d’enregistrements. Ca servait vraiment à rien de se prendre la tête avec l'obligation de dormir dans un hôtel tous les trois jours. La rumeur semble se confirmer: ils sont de moins en moins sévères avec les touristes et en particulier les cyclistes. En effet, l'Ouzbékistan souhaite développer le tourisme et veut notamment être connu comme un pays "cycliste friendly", le nombre de cyclorandonneurs qui empruntent la mythique route de la soie augmentant fortement chaque année. Avant de venir on avait d'ailleurs entendu de nombreuses rumeurs sur les contrôle et les policiers véreux. Effectivement, si les postes de contrôles sont fréquents le long de la route, les policiers ont toujours été très amicaux avec nous!


On quitte le pays avec un souvenir inoubliable de l’Ouzbekistan : la joie et la générosité des ouzbeks, la campagne animée, la magnificence des monuments, la richesse de son histoire... Nous garderons cependant une petite frustration de ne pas avoir pu discuter plus en profondeur avec la population rencontrée. Le russe commence à vraiment nous manquer. Certes on connait notre vocabulaire de survie mais c’est difficile d’avoir des conversations un peu plus poussées et nous aimerions parfois sortir des traditionnelles questions sur notre origine, notre famille pour mieux comprendre les us et coutumes, l’histoire et le fonctionnement de ces multiples peuples d’Asie Centrale (il faut savoir que les frontières actuelles dessinées par les russes ne correspondent pas du tout à la réalité. Par exemple Samarcande et toute la zone frontalière sont majoritairement peuplées de tadjiks).


Bref, on aurait pu encore passer du temps chez les Ouzbeks ! Mais on n’est pas mécontent de quitter les 45°C de la plaine pour rejoindre la fraîcheur des montagnes Tadjiks ! Prochaine étape, affronter la chaîne du Pamir : plusieurs cols à plus de 4000m, des kilomètres de piste dégueulasse mais des paysages magnifiques. Autrement dit : on a peur mais on a hâte !


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