Fini le désert et le plat ouzbek, à nous les montagnes Tadjiks ! Premier objectif, rejoindre Khorog, la porte d’entrée du Pamir ! La route de Khorog à Dushanbé ça signifie 10 jours de vélo bien intenses, 300km de piste et un premier col à 3200m d’altitude pour s’entraîner avant les 4000m, 250km au cœur de gorges vertigineuses à quelques dizaines de mètres de la frontière afghane et surtout une multitude de paysages à couper le souffle.


Mais commençons par le commencement : le passage de la frontière ! Un passage de frontière encore une fois sans encombre : un simple coup d’œil sur le visa fait en ligne imprimé à Samarcande, un relevé de nos empreintes, une petite photo et hop c’est parti, on est au Tadjikistan !

On se sent toujours un peu intimidé les premiers kilomètres dans un nouveau pays et au premier abord, les tadjiks nous semblent moins sympathiques et avenants que les ouzbeks. Mais dès notre première pause les gens nous souhaitent très chaleureusement la bienvenue au Tadjikistan et malgré nos protestations, on nous offrira même nos premières courses en guise de bienvenue ! Trop sympa. Après un premier bivouac, dans un champ de coton (on est encore dans la petite partie du Tadjikistan qui n’est pas occupée par les montagnes) avec pour toile de fond les grosses usines industrielles de Tursunzoda, on arrive vite à Dushanbé, la capitale.


On contacte alors Véro, LA warmshower de Dushanbé et pour ainsi dire une légende vivante parmi les cyclos d’Asie Centrale. Ça fait en effet 4 ans qu’elle habite au Tadjikistan et elle a déjà parcouru plusieurs fois le Pamir à vélo dont une fois en tandem avec son fils alors âgé de 8 ans ! Impossible de compter le nombre de cyclo déjà passés chez elle, mais la plupart des cyclistes traversant le Tadjikistan ont bénéficié de ses précieux conseils et de son aide toujours chaleureuse et efficace. C’est d’ailleurs elle aussi qui doit recevoir la pièce pour la roue de Cécile ! Malheureusement elle quitte définitivement le Tadjikistan fin juillet.


Véro et son perroquet canailloux. On sent qu'il a l'habitude des cyclistes il imite parfaitement un klaxon de vélo!!


Quand on arrive elle est au boulot mais nous dit de se pointer chez elle, y’a du monde ! Et en effet chez elle, c’est un peu l’auberge espagnole ! Une grande maison dans Dushanbé avec un superbe jardin. Deux cyclos sont déjà là en plus de Christine, une Française qui rédige un guide de rando sur le Tadjikistan et qui forme des femmes guides dans le Pamir. Gab’, le Fils de Véro est aussi là, c’est un grand garçon pour ses dix ans et on sent qu’il en voit passer du monde ! On est tout de suite à l’aise dans cette grande maison et ça fait du bien de se reposer ici dans la capitale du Tadjikistan. On passera 4 jours là-bas, entre emplettes dans les supermarchés de Dushanbé, grosses bouffes avec les autres cyclo et repos tranquille, bien mérité. Un soir, Véro nous annoncera même qu’une raclette party est organisée chez elle et que nous sommes conviés ! Le rêve ! C’est Alain, un expat’ suisse qui part et doit finir son stock de raclette au congélo ! Soirée assez surréaliste, sur une terrasse de Dushanbe par 30°C entourés d’expat’ aux histoires passionnantes. Les deux derniers jours, on rencontrera également Eric et Amaya, un couple Franco -Américain qui voyage à vélo depuis 11 ans ! C’est marrant d’entendre leur histoire et de regarder comment ils organisent leur voyage ! On prend tous leurs conseils avec sérieux même si rassurez-vous, on ne compte pas rester sur la route aussi longtemps !


Atelier réparation de vélo dans le jardin de Véro


Par contre, notre colis n’arrive toujours pas…on essaie de trouver une pièce de rechange sur place mais rien de probant. On finit par acheter un moyeu arrière à 5€ au bazar, sans doute une copie chinoise mais plutôt bien faite ! La veille du départ, on retrouve Martin et Anne-Flore, deux Français amis d’amis d’amis (et oui !) avec qui on était en contact depuis quelques temps. On avait beaucoup échangé notamment sur nos problèmes de roue libre car Martin a eu le même problème en Iran où il avait pu changer la pièce. C’est vraiment sympa de les rencontrer en vrai, on passe une excellente soirée et malgré la mauvaise expérience roue libre de Martin, on décide de partir quand même le lendemain, sans attendre notre colis, la poste tadjik étant vraiment trop aléatoire.


Deux itinéraires s’offrent à nous pour rejoindre Khorog depuis Dushanbé :

·        La M41 ou route nord, anciennement route principale et fermée l’hiver à cause de la neige et des effondrements de terrain. Un pont effondré sur la route a réduit la circulation au minimum et Véro nous recommande cet itinéraire plus dur mais plus sauvage et apparemment magnifique. L’entretien de cette route est réduit au minimum depuis l’ouverture de la route Sud.

·        La route sud, nouvelle route principale, empruntée par les camions chinois et les tadjiks, qui commence dans des zones urbanisées et termine par longer l’Afghanistan. La route est un peu plus longue que la route Nord mais réputée bien plus facile, la route étant en bien meilleur état.


Youhouuuuhh c'est partiiii! Et en plus c'est beau, ça descend, il y a de l'asphalte !


Après quelques hésitations, on décide de prendre la route nord ! Allez, Véro l’a bien fait en tandem avec son fils, on peut y arriver aussi ! Com’ d’hab, notre départ « tôt » se transforme en un départ autour de 10H, le temps de dire au revoir à tout le monde et de charger les vélos. Le premier jour ça roule bien et seule une pluie diluvienne nous forcera à nous arrêter pour nous abriter pour la nuit dans un bâtiment abandonné sur le bord de la route. Le deuxième jour, on croise 4 allemands sur le départ qui ont dormi 200m plus loin on parle rapidement puis on s’engage dans les montagnes où l’asphalte disparait petit à petit et prend des allures de piste défoncée !

Les journées qui suivent sont éprouvantes, la piste constellée de plus ou moins gros cailloux réduit notre moyenne à néant et les descentes sont aussi dures que les montées ! Heureusement, subsistent encore quelques portions d’asphaltes qui permettent de reposer les nerfs et les jambes ! Pour autant, la route ne nous pèse pas trop, tant les paysages magnifiques que nous découvrons au fur et à mesure que nous remontons la rivière sont incroyables ! Chaque montée, chaque tournant révèle un nouveau tableau de cette vallée splendide et on enchaîne les bivouacs 4 étoiles. On est vraiment impressionné par les formations montagneuses qui nous entourent et on regrette souvent de ne pas être accompagné d’un pote géologue !



Au bout de 4 jours la route se sépare à nouveau en deux et on se retrouve presque seul. Très peu de voitures passent par là en raison du pont effondré quelques dizaines de kilomètres plus loin. Cette fois-ci, l’asphalte c’est définitivement fini, on n’aura plus droit qu’a de la piste en plus en moins bon état et on doit traverser à gué de nombreuses petites rivières pour le plus grand plaisir de Cécile ! Le paysage ne cesse de changer et après des kilomètres au cœur d’un canyon vertigineux on se retrouve au cœur d’une large vallée prospère. On croise régulièrement de petits villages, toujours l’occasion d’échanger quelques mots avec les habitants mais aussi de subir les assauts des enfants, pas toujours tendre il faut le dire ! Leur grand jeu consistant à hurler sans s’arrêter « Hello, hello, hello, byebye» ! De temps en temps ça nous fait rire et on répond sur le même mode mais quand on a faim, chaud et qu’on est au milieu d’une montée bien raide ça peut être franchement énervant !


Chaque bivouac est un petit paradis, on s'arrête souvent plus tôt pour en profiter!


Au cinquième jour, on finit par arriver au fameux pont écroulé qu’une quinzaine d’hommes s’affairent à remettre sur pied. A première vue on ne comprend pas trop par où on va passer et là, un tadjik nous montre un petit pont en bois, sans garde-fou et que l’on doit atteindre par une descente bien raide vers la rivière. Nous voyant un peu démunis face au pont, plusieurs ouvriers nous inviterons à décharger les vélos et ils nous aideront à ramener tout de l’autre côté. Un passage finalement sans soucis mais riche en émotions fortes pour Cécile qui déteste ce genre de traversée qui lui donnent le vertige !


Puis c’est partie, on entame enfin la longue montée tant redoutée : devant nous 25km avec 7% de pente en moyenne pour atteindre le col de Sagirdash à 3250 m d’altitude. Les premiers kilomètres sont bien exigeants avec une piste en franchement mauvais état et quelques portions vraiment raides. On devra également pousser les vélos sur quelques centaines de mètres pour contourner un glissement de terrain massif qui a l’air assez récent. Au bout d’une quinzaine de kilomètres on s’arrête pour la nuit près d’un petit village où les habitants se montrent très sympathiques. On parlera des différences de cultures entre les -stans (le Tadjikistan est perse à l’origine à l’inverse de l’Ouzbékistan qui est turc), des tensions dans la région ou encore de Napoléon ! Ils nous offriront même un de ces fameux pains tadjik géants qui peuvent aisément nourrir une famille de 6 personnes et qui nous permettra de tenir au moins 4 jours de goûter pain-mayo ou pain ketchup ! Et oui notre menu n’est pas très varié depuis quelques temps : pates aux oignons, noodles, riz au ketchup, bonbons et bien sur snickers !! Il faut dire que les magasins ne sont jamais très fournis et il est très dur de trouver des produits frais. La plupart des Tadjiks sont autosuffisants et font eux même leur pain ou pousser leurs légumes. Ainsi, dans les magasins, difficile de trouver autre chose que des bonbons, des pâtes ou du riz en vrac pas toujours très bon ainsi que des gâteaux qui ont tous un goût charmant, légèrement moisi !


3 jours de goûter pain-ketchup / pain-mayo devant nous, merci pour le cadeau !!


La dernière journée jusqu’au col est sans doute la plus dure, peut-être parce que l’on sait que l’on est bientôt arrivés ou peut-être aussi à cause de l’averse de grêle qui s’abat sur nous à 2km du col, sans endroit où s’abriter. Mais globalement la piste est en meilleur état et il nous faudra un peu moins de 2h pour abattre les 10 derniers kilomètres nous séparant du col. On arrive finalement à 3250m d’altitude où un arrêt de bus marque le passage du col ( ?!!). Deux trois bergers nous saluent, et le ciel nuageux nous gâche un peu le plaisir de la vue mais on l’a fait ! Premier col du Tadjikistan passé ! Et le plus haut depuis le début du voyage ! youhouuuuuuh !! et devant nous nous attendent 30 km de descente, on a hââââte !


Enfin, après 5 jours et demi de vélo on y est !!


La descente est aussi splendide que la montée, mais très différente. Le torrent gronde dans des gorges profondes juste à côté de la route. La route est encore un peu asphaltée, mais en très mauvaise état et surtout très raide ce qui met à l’épreuve notre concentration et nos avant-bras (on a constamment les mains serrées sur les freins !). On est obligé de faire de nombreuses pauses pour se reposer et profiter du paysage, quand on roule impossible de quitter les quelques centimètres devant le vélo sous peine de faire un faux pas et tomber dans le ravin !

Au court de la descente on s’installe tranquillement pour manger à l’abri d’un arrêt de bus lorsque deux voitures s’arrêtent. Une dizaine de personnes en sortent et se partagent un grand pain tadjik qu’ils passent sous l’eau de la source avant de le manger. On ne comprend pas trop pourquoi surtout que pour une fois le pain est délicieux et frais (très, très rare de trouver du pain frais au Tadjikistan !). Quoi qu’il en soit ils nous laisseront le reste de leur pain, autant dire qu’on en a en stock pour des jours ! Un dernier checkpoint de police et la pente s’adoucie vers Kala-i-khum, nous longeons le torrent assourdissant jusqu‘à la petite ville où nous prenons un « homestay » bien mérité après ces 6 jours de camping.



Kalai-Khum marque aussi le point de ralliement entre la route Sud et la route Nord. A priori une route en bien meilleur état nous attend et on se donne quatre jours pour parcourir les 240 km qui nous séparent de Khorog la deuxième ville la plus importante du Tadjikistan. Nous continuons ainsi sur la célèbre M41 qui longe la rivière Penj dans une vallée aride et constellée d’oasis vertes que forment les petits villages. Et de l’autre côté de la rivière, c’est l’Afghanistan !

Nous sommes fascinés d’être si proche de ce pays très peu accessible aux européens et entouré de tant d’à priori. On observe les afghans depuis notre côté de la rivière et sur certains aspects le contraste avec le Tadjikistan est saisissant. La route Afghane est une simple piste très étroite où quelques motos circulent mais où la plupart des gens se déplacent à pied ou plus rarement à dos d’âne. Tandis que du côté tadjik, il n’est pas rare de se faire doubler par des énormes 4x4 rutilants aux vitres teintés (humhum dans ce pays si pauvre, d’où peut bien venir cet argent…humhum, on se le demande !). Par ailleurs, côté afghan, les maisons semblent bien rustiques, faites de boue ou de torchis et bien entendu, pas d'électricité de ce côté là, ou tout du moins aucun réseau électrique visible! En revanche, comme au Tadjikistan les villages sont luxuriants de verdure, on voit des femmes se déplacer en habits colorés, des hommes labourant les champs à l’ancienne et surtout toutes les habitations sont équipées de paraboles !


On est d'accord c'est une parabole à côté de la tente?! N'hésitez pas à partager vos idées sur 1- si ce n'est pas une parabole qu'est ce que c'est ou 2- si c'est une parabole, comment elle fonctionne?!


Ces quatre jours se révéleront difficile physiquement : on enchaîne des successions de montées-descentes très raides et la route est sur la majorité du parcours en bien moins bon état que prévu. Nous sommes souvent obligés de jongler entre les cailloux qui jalonnent la route. Il faut dire que nous sommes entourés de parois vertigineuses et qu’on se sent bien petit face à la hauteur des montagnes qui nous entourent ! On commence à être bien fatigué, on doit avouer qu’on n’a pas vraiment l’habitude de rouler 5-6h par jour sur des routes exigeantes ! Mais nous sommes franchement heureux de rouler enfin au Tadjikistan, pays tant attendu et redouté sur notre parcours. Et nous ne perdons pas une miette des paysages fascinants qui nous entourent et ne nous lassent pas.



Et puis enfin, 100 km avant Khorog la vallée s’élargit, la route s’aplanit et on retrouve un asphalte potable! L’arrivée dans la ville est un vrai plaisir, on s’installe au Pamir Lodge pour deux jours de repos bien attendus ! Le Pamir Lodge c’est un peu le lieu de rencontre des baroudeurs de la pamir Highway et l’on passera deux jours à se reposer, à préparer la suite et à discuter et rigoler avec les cyclos et autres voyageurs autour de bonnes bières (toujours !).


Prochaine étape : remonter pendant une grosse semaine la vallée du Wakham avant de rejoindre pour de bon le plateau du Pamir ! 7 jours de galère et de sable au programme dans des paysages toujours sublimes avant de passer enfin les 4000m d’altitude !


Et encore une fois un grand merci à tous pour vos petits messages qui nous font toujours aussi plaisir!

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